[Les murmures du vent]

Avant la relève des patrouilles, alors que la Dame Blanche se couche, quelques murmures passent d'une sentinelle à une autre. Certaines ignorent, d'autres extrapolent; certaines parlent de rumeur, d'autres de fuite dans les rapports hebdomadaires.
Ainsi, installée sur un banc de la terrasse de artisans, l'histoire se raconte une nouvelle fois.

"Les druides du Repos du Rêveur parlent de quatre cadavres, probablement des éclaireurs du convent de Mannoroc.
Cela n'a rien d'étonnant me direz-vous, mais savez-vous dans quel état on les a retrouvés ? Découpés net, d'un seul coup, et disposés en tas sur la route.
Ils pensaient que c'était l'oeuvre du bastion de Pennelune, mais il n'était même pas au courant.
Tous tués de la même façon, d'un seul coup...
Il parait qu'ils doivent se montrer prudents...et qu'un chasseur de démons rôde dans la région."

Le repas se termine, certaines ne manquant pas de conseiller à l'oratrice d'arrêter le brandy gilnéen.

A la lueur de la lune, Galatée Stradh traversait Darnassus sur le dos d'Elios, son cheval. L'animal n'avait plus que deux fers sur quatre fixés à ses sabots, le tintement sur le marbre du pont variant d'un pas à l'autre. Les pièces d'armures qui autrefois le protégeait des flèches et des lames grinçaient et se teintaient peu a peu de rouille.
Galatée tira légèrement sur la bride usée dans un grincement de cuir pour stopper l'animal en douceur. Mettant pied a terre devant une battisse Kal'dorei, elle constata que son équipement n'étant pas en meilleur état que celui de sa monture.
Grimaçant, elle songea à remédier à cela. Elle n'avait pas pour habitude de trop se soucier de son apparence, mais elle devait à présent dégager une image un brin sérieuse et inspirante.
Les recrues commençaient doucement à affluer au bureau des recrutements, bien que majoritairement Draeneis. Leur première affectation à une mission ne tarderait donc pas. Une arme émoussée et une armure ébréchée ne serait ni une image inspirante pour un nouvel ordre en mission, ni d'une grande utilité.

Retirant son casque, elle leva le menton vers le bâtiment, plissant les yeux en voyant la petite silhouette marcher en sa direction. Dietrich.
De long cheveux brun en bataille, un visage mince et un air à la fois farouche et espiègle. Plutôt petite pour une Gilnéenne, la jeune femme semblait attachée à Lady Kane et à Branholt au point de vouloir les accompagner loin de son royaume. Suivie de trois grand Worgs dressés elle se présenta devant Galatée, l'air intimidée en marmonnant quelques mots.

- Je peux m'occuper de votre cheval...?

La guerrière fit un sourire, hochant doucement la tête. Ayant remarqué que la jeune femme aimait s'entourer de bête, elle lui avait proposer un rôle de palefrenière afin d'être utile à l'Ire, ce qui semblait lui convenir.
Dietrich s'éloigna derrière la bâtisse avec Elios, suivie des trois Worgs sans ajouter un mot et en fixant Galatée avec de gros yeux. Amusée, cette dernière monta à l'étage rejoindre la Sorcière.

Théssahra remarqua depuis le balcon de sa nouvelle demeure l'invitée surprise. Prise de cour dans son emploie du temps, la rouquine s'empressa de faire un peu d'ordre. Leurs affaires fraichement déballées, le jeune couple worgen n'avait pas encore eu le temps de se faire à cette petite chambre Kal'dorei.
Sven et Ezer, leurs enfants avaient l'avantage d'être plutôt calme et semblaient parfaitement se contenter des jouets en bois sculpter par leur père.
La sorcière s'approcha d'eux pour déposer un baiser sur leur front, avant de relever le nez vers la guerrière.

Galatée observa la petite famille, son regard s’arrêta sur la jeune tête blonde d'Ezer qu'elle fixa un long moment. Gênée, la sorcière pris ses enfants dans ses bras avant de s'approcher de la guerrière.

- Bonjour Miss Stradh ! Je suis à vous dans un instant, Branholt devrait rentrer garder les enfants, nous pourrons commencer l'enseignement.

Le regard de Galatée se décrocha difficilement de l'enfant pour observer sa mère. La guerrière fronça les sourcils, sans doutes consciente de sa mauvaise conduite. Elle répondit d'une simple phrase avant de lui tourner le dos, attendant patiemment, son casque sous le bras.

- Bien sur Miss Kane.

La prêtresse passait le plus clair de son temps à méditer, assise sur un banc de facture kaldoreï, à l'écart de ses compagnons et du reste du camp. L'atmosphère de la forêt la laissait indifférente, assise à califourchon sur son banc, jouant souvent avec un brin d'herbe, ou remuant un peu de terre du bout de ses sabots. Elle méditait, voyant son passé, son présent, ne se présentant que lorsqu'on avait besoin d'elle, et même dans ses cas là, elle paraissait curieusement absente.

Morrigan allait dans le camp, nerveuse, mais essayant de communiquer un peu de sa bonne humeur et de son volontarisme habituel. Elle chasse, cuisine, reprise des vêtements, entretient des armes, répond aux demandes des Sentinelles. Elle essayait de se rendre utile de milles façons différente, essayant de s'occuper un maximum pour oublier l'atmosphère pesante de la forêt.

Absolaan était d'une immobilité parfaite, les yeux clos, assise sur un des bancs, méditant depuis le lever du jour. Elle ne semblait pas atteinte par les voix, totalement sourde à ces dernières, émettant plutôt une aura de ferveur, et de sérénité.
La quantité d'Ombre dans la région l'ennuyait. Elle commençait à se douter de ce qui pouvait y avoir derrière ces voix, décrites par ces alliés, et le comportement de ces alliés en question. C'était une attaque d'usure, plus ils restaient dans ces bois, plus ses alliés Kaldoreï, les plus sévèrement touchés, et Worgen, moins atteints du fait de leur psyché bien plus agressive, avaient de chances de se retourner contre eux-mêmes et le reste de la troupe. Néanmoins, elle leur faisait confiance. Douter d'eux aurait le même résultat, que si elle avait ces voix dans sa tête.

La patience.

De toutes les vertus qui pouvaient exister, celle que les Draeneï embrassaient le plus facilement était la patience.

Et Deseera ne faisait pas exceptions à la règle, les millénaires d'exil de monde en monde avaient mis sa patience à l'épreuve, et année après année, décennie après décennie, siècle après siècle, le temps était devenu à ses yeux une lente spirale dans laquelle l'attente était presque un mode de vie.

Attendre de trouver un monde propice à leur exil.

Attendre que la légion ardente ne foule ce nouveau foyer.

Encore et encore, l'attente avait fini par doucher tout enthousiasme chez elle, ne laissant place qu'à une patience posée et optimiste en toute situation. Une patience qu'elle savait mettre à profit lorsqu'il n'y avait rien d'autre à faire que laisser le temps filer.

Son regard porté sur les environs du camp, légèrement en retrait de ce dernier, son regard luisant sondait les ténèbres à la recherche d'une quelconque menace. La peau diaphane émanant d'une permanente clarté ne pouvait et ne pourrait être ignorée d'un adversaire quel qu'il soit, tel un phare dans la nuit attirant tous les nuisibles, l'Officier de l'Eclat d'O'ros veillait à son unité.

Mais une flèche n'abattrait pas celle qui fût exarque pendant des millénaires, une morsure ne déferait pas le bastion de lumière qui défiait l'obscurité profonde. Non, elle savait très bien ce qu'elle faisait, et aucune menace ne saurait ignorer l'assurance d'un tel personnage.

Aussi rien ne vint, mais les heures filaient sans émousser les sens et l'attention de la Draeneï.

Bientôt le jour pointerai, et l'astre solaire offrira assez de lumière par lui même pour chasser les menaces environnantes. Alors la Draeneï pourra s'atteler à une autre tâche que celle du gardien impassible.

L'ancienne bien née ne perdait pas les habitudes qu'elle avait prise lors de son séjour en Pandarie. Et n'oubliait pas non plus ce qu'elle y avait vécu avant de rencontrer les indigènes. Elle effectuait quotidiennement ses exercices de frappe contre la roche. Et méditait le reste du temps.

Elle aimerait dire que ces voix ne l’influençait pas, que le doute ne s'immisçait pas en elle, mais ce serait mentir. Elle le sentait et limitait son influence de par sa volonté, mais ça ne faisait pas tout. Ce sentiment était semblable à celui qu'elle connu en mettant les pieds en Pandarie. Le doute était là pour briser la cohésion, monter les uns contre les autres, ce qui était arrivé à ce groupe de sentinelle.

Elle fit la seule chose qu'elle pouvait faire dans sa position. Elle était soldat dans un groupe militaire, elle ne pouvait que faire confiance à ses supérieurs. Même si ceux-ci pouvaient paraître affecté. Si cela devait aller trop loin, elle saurait réagir, mais il n'y avait pas lieu de s'inquiéter tant qu'il n'y avait pas de débordements.

On imaginait difficilement que l'esprit dérangé de Tym pouvait l'être davantage par des voix supplémentaires, mêmes venues des plus profondes noirceurs d'Azeroth. Son alter-ego lupin veillait habituellement à ce qu'aucune influence extérieure ne vienne s'immiscer dans cet esprit qu'il devait déjà partager, laissant au gilnéen tout le loisir de répandre sa bonne humeur et sa bizarrerie dans les rangs.

Mais même la vigilance de Tam ne suffit pas à retenir les murmures insidieux qui affectaient le camp. Prenant la forme de vrilles noires et rampantes dans la tour délabrée qu'était l'esprit de Tym, ceux-ci s’immisçaient dans la conscience du worgen, porteurs de leur noir message.


"C'est toi qui a dis ça ?" demanda le gilnéen qui ne pensait pas s'adresser à qui que ce soit d'autre que son colocataire animal.
Faisant quelques pas dans la tour qui lui paraissait plus lugubre que d'habitude, il finit par tomber sur le Loup noir aux yeux de feu et, bien qu'ils étaient du même noir absolu que la bête, il distingua les tentacules rampant le long de ses pattes, de son dos, de son cou, l'immobilisant et susurrant sans cesse :


"_Ils ont raison sur un point. gronda Tam. Tu dois me libérer...
_Eyh, eyh... Ce que je dis aux autres vaut aussi pour nous : on écoute pas les voix qui viennent de l'extérieur, c'est un coup à devenir fou !"


A l'odieux tentacule qui venait de se glisser dans son dos pour murmurer cet affreux mensonge, le jeune homme administra un coup de la rapière qui venait de lui apparaitre en main, le tranchant net.

"_Je ne suis pas fou ! s'écria-t-il, en colère. Et toi ne penses même plus à te libérer, tu sais que je ne te laisserais jamais faire ! scanda-t-il à l'adresse de Tam.
_Libère moi au moins de ces trucs alors !" gronda le Loup.

Se renfrognant, Tym s'élança sur les vrilles qui enserraient les pattes de son alter-ego animal, fouettant le vide sous son crâne pour les taillader. Il s’apprêtait à libérer la dernière patte lorsqu'un tentacule noir vint s'enrouler autour de son poignet, retenant son coup.


Le jeune homme poussa un cri outré, lâchant presque son arme sous le choc de cette affreuse révélation. Fort heureusement une mâchoire garnie de crocs vint se refermer sur la vrille noire, la secouant et la réduisant à néant.

"_Alors, on commence à entendre des voix ? ricana Tam, ses babines se retroussant sur un rictus narquois.
_Ha Ha, génial... Tiens, écoute : celui là a dit que ta mère était velue, rétorqua le gilnéen en désignant du pouce un tentacule qui rampait derrière lui.
_Hurhur, je crois qu'il s'adressait à toi en fait.
_Oooouuuuh..." souffla Tym, frémissant de colère avant de rabattre sur son front le chapeau haut de forme qui venait à son tour d'apparaître et de se tourner vers les vrilles malsaines. Avançant sur elles d'un pas rageur, il adressa aux insidieux murmures un index courroucé et se mit à taillader vertement dans les tentacules.

**

Il fallut un long moment de lutte intérieure -qui se traduisait à l'extérieur par forces massages de tempe et frottages de front- à Tym et à Tam pour faire reculer les envahisseurs. Et même ainsi, ils restaient parfaitement conscient qu'ils étaient encore là, dans un recoin de leur esprit partagé, à attendre.

**

"Tu penses qu'ils vont revenir ?" demanda Tym au Loup à ses côtés.


"Je pense qu'ils vont revenir ouais... Mais pour ce qui est de nous soumettre, ce sera une autre paire de manches..." gronda Tam

La draeneï était assise comme à son habitude sur son banc, à califourchon. Ses mains nouées dans un mantra complexe, elle laissait les spires de son esprit s'étendre lentement. Elle désirait entendre ces voix dont ses compagnons parlait. Siégeant dans son esprit, elle attendait. Si pour certains la représentation de leur psyché était absconse, pour elle, elle était d'une clarté lipide. Son moi intérieur attendait, assise sur un siège taillé à même sa psyché, symbole de son assise intérieur, dans une tour elliptique, d'un cristal violet, la Lumière se diffractant à travers les multiples prismes taillés. Elle était d'une patience infinie.


Elle ouvrit les yeux. Le décor de son esprit s'était assombri, lentement, pernicieusement.


Elle se leva lentement, ajustant ses robes aux motifs millénaires, ses sabots frappant le cristal froid dans un claquement sec. Elle s'arrêta. Elle écoutait ces voix.

La noirceur gagnait lentement les cristaux, affaiblissant leur éclat, les voilant, s'insinuant comme des serpents d'ombres, étouffant la lumière et la clarté de son esprit. Elle sentait leur étreinte essayer de s'en prendre à son esprit millénaire.


La draeneï exhala un léger soupir. "Il suffit". Elle leva une main, balayant d'un revers de main négligeant les murmures insidieux. "Qui que vous soyez, vous n'êtes pas les bienvenus ici." La Lumière fit brusquement étinceler sa psyché. "Nous vous trouverons, et nous vous détruirons."

Elle n'eut que le silence comme réponse, dans le froid de son esprit étincelant.